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Signatures : le cas Le Pen


Le cas Le Pen


Le Figaro - 29/03/2002 - Le pen : Si je n'ai pas mes signatures, Chirac est mort politiquement (Extrait)
Par Olivier POGNON et Alexis BREZET



A cinq jours de la date butoir du 2 avril, la question des « signatures » agite plus que jamais la campagne présidentielle. Forts des 500 parrainages nécessaires à leur candidature, Jean-Pierre Chevènement et Alain Madelin ont rejoint hier le club des prétendants officiels à l'Elysée. De son côté, Jean-Marie le Pen, dans un entretien au Figaro, affirme qu'il lui manquait hier 38 signatures. Plus que jamais persuadé qu'une « opération RPR » est à l'origine de ses difficultéss, le président du FN fait monter la pression.

LE FIGARO. Où en êtes-vous de vos signatures ?

Jean-Marie LE PEN - Elles arrivent. Pas assez vite à mon goût. Il m'en manquait 70 à la fin de la semaine dernière; 38 aujourd'hui, jeudi. Je ne désespère pas qu'en un dernier sursaut nous arrivions au but. Je passe la journée au téléphone pour convaincre les maires d'honorer leur promesse, pour leur expliquer que signature n'est pas soutien, que le but de la loi est de filtrer les candidatures fantaisistes, et qu'il serait absolument inique qu'elle aboutisse à écarter un courant de pensée qui, à la dernière présidentielle, rassemblait plus de quatre millions d'électeurs.

Certains disent que vous entretenez un faux suspense pour vous poser en victime...

Vous croyez vraiment que c'est par plaisir que je me lève aux aurores pour joindre tel ou tel maire avant qu'il ne soit parti au travail ou sur son tracteur ? Puisque ceux qui prétendent que j'ai déjà mes signatures sont si sûrs de leur fait, s'engagent-ils à verser 100 000 francs au Front national dans le cas où je ne les aurais pas ? Je vous rappelle que nous avons engagé quarante millions de francs dans cette précampagne, et que nous risquons de n'être jamais remboursés.

Comment se passent vos contacts téléphoniques avec les maires ?

C'est dur. Les hommes sont faibles et les pressions sont fortes. Des personnes bien intentionnées appellent avant moi: « Réfléchissez-bien, monsieur le Maire, avant de donner votre signature à Le Pen; pensez à vos électeurs, à vos subventions... » Un maire que je ne nommerai pas m'a répondu: « Vous avez sans doute raison, monsieur Le Pen, mais je suis un lâche. » Que voulez-vous ajouter ?

Ces pressions, vous les attribuez au RPR. Qu'est-ce qui vous permet de dire cela ?

D'abord certaines déclarations publiques. Dès lors que nos institutions dérapent de toute évidence, il était du devoir d'un certain nombre de personnalités d'appeler à une meilleure interprétation de la loi. Il se trouve qu'elles sont RPR. Qu'ont-elles dit ? M. Chirac, RPR, s'est contenté d'affirmer que « la Constitution a ses règles », ce qui est faux, puisque le régime des signatures ne dépend pas de la Constitution mais de la loi. Le président du Conseil constitutionnel, Yves Guéna, RPR, appelé par moi à deux reprises pour qu'il rectifie le tir, ne l'a pas fait. M. Poncelet, RPR, président du Sénat, grand conseil des communes de France, n'a rien dit. M. Delevoye, président de l'Association des maires de France, RPR, ne s'est pas ému de cette espèce de mouvement de grève des maires; il l'a au contraire presque justifiée. Il y a donc évidemment une opération RPR. On constate d'ailleurs dans les départements une curieuse corrélation entre le nombre de promesses de signature non tenues et la présence d'une personnalité RPR de poids: dans le Pas-de-Calais, par exemple, où Jean-Paul Delevoye est sénateur maire, j'avais dix préengagements; neuf n'ont pas été respectés.

Tout cela ne prouve pas que le RPR tente de dissuader les maires de vous donner leur signature...

Mais il n'y a pas que cela ! Il y a aussi les menaces explicites. Le 23 octobre s'est déroulée une réunion électorale à l'Elysée, dont la presse s'est fait l'écho. Ce jour-là, Chirac dit: « Le Pen n'aura pas ses signatures. » A six mois de l'élection présidentielle, ce n'est pas un pronostic, c'est un mot d'ordre. Le lendemain, dans les couloirs de l'Assemblée, Devedjian, Goasguen et Perben annoncent qu'ils contrôleront les signatures des maires socialistes.

Et puis, il y a enfin cette course aux parrainages, lancée par Chirac et Jospin, qui aboutit à assécher le vivier de signatures. M. Chirac a lancé sur la totalité du corps censitaire 42 000 demandes de parrainage, dont il n'a pas besoin, dans le but évident d'en priver ses concurrents. Il tente enfin de me barrer la route en encourageant les petites candidatures de Mégret, Boutin, Saint-Josse, etc., qui sont chargés de lui apporter leurs voix au second tour.

Vos difficultés ne tiennent-elles pas à la méthode du démarchage ? Des gens qui ont arraché une signature pour empocher la prime de 2 000 F ?

En réalité, nous avons utilisé très peu de démarcheurs professionnels. Uniquement dans les régions où les militants et responsables du Front n'étaient pas disponibles pour rechercher les parrainages.

La scission ne vous a-t-elle pas aussi compliqué la tâche ?

Vous voulez parler de la trahison de Mégret. En effet, il nous a pris environ 90 élus. Cela dit, il m'en reste 140, dont le parrainage m'est acquis. Pour arriver à 500, il faut donc que je trouve 360 signatures sur un corps électoral de 36 000 maires. Avouez qu'il est tout de même scandaleux qu'un mouvement qui faisait 15 % des voix à la dernière présidentielle ne puisse pas réunir les signatures de 1 % des maires !

Bruno Mégret a-t-il les 500 signatures, à votre avis ?

Oui, il les a, c'est sûr. Il vient de dire que, s'il ne les avait pas, il ferait voter Le Pen. Il n'aurait jamais dit cela s'il n'était pas sûr d'être candidat !

Certains prétendent qu'autrefois François Mitterand faisait en sorte que vous ayez vos signatures...

C'est un mensonge. En 1995, nous avions déjà au départ 240 conseillers régionaux. Vous pensez bien que nous n'avions pas besoin de Mitterrand. Ceux qui prétendent cela veulent installer l'idée que le Front national est l'allié de la gauche. C'est un autre mensonge. Il n'y a qu'une seule personne qui ait favorisé l'arrivée de la gauche au pouvoir, c'est Chirac. En coupant 15 % des voix de droite et en les retirant du jeu. Aux élections régionales, par exemple, nous avons tendu la main partout: les responsables du RPR et de l'UDF n'avaient pas le droit de l'accepter. Ceux qui l'ont fait ont été sanctionnés. Qui, dans ces conditions, fait le jeu de la gauche ?

Jospin dit maintenant qu'il « ne trouverait pas logique » que vous ne puissiez pas vous représenter...

Il sent bien que mon éventuelle absence scandalise l'opinion, y compris à gauche. Pourquoi croyez-vous que je bondisse de 5 points dans les sondages ? C'est le peuple qui est furieux. Pour une fois, les observateurs, les journalistes et la majorité des responsables politiques Bayrou, Madelin, Pasqua, Jospin, Mamère... sont de mon côté. Il n'y a que Chirac pour ne pas voir le déni de démocratie.

Supposons que vous n'ayez pas les signatures. Que faites-vous ?

Si l'on m'empêche de me présenter, Chirac est mort politiquement. Ce sera l'apocalypse électorale pour la droite. A la présidentielle et ensuite aux législatives. Je n'aurai même pas à donner la moindre consigne: mes électeurs, indignés, non seulement ne donneront pas leurs voix à Chirac, mais ils voteront contre lui. Et comme en plus je ferai vigoureusement campagne...



Le Figaro - 20/03/2002 - Par Olivier POGNON - Le Pen veut attaquer le conseil constitutionnel

Le président du Front national Jean-Marie Le Pen a décidé hier de déposer un référé devant le tribunal administratif « pour sommer le Conseil constitutionnel de remplir sa mission ». M. Le Pen rappelle qu'en vertu de l'article 58 de la Constitution, le Conseil « veille à la régularité de l'élection du président ». Selon le président du FN, « de toute évidence, un très grave dysfonctionnement est en train de se produire ». Il estime que la loi qui impose le parrainage des candidats par les maires « est manipulée par un certain nombre de candidats pour tenter d'empêcher les Français de choisir leur président de la République ». Il affirme par exemple que le candidat Chirac « a lancé une opération générale de recueil de signatures » auprès de l'ensemble des élus, alors qu'il n'en a « évidemment pas besoin ».

Il parle aussi de « pressions sur les maires » qui s'étaient engagés à des parrainages et évoque un document envoyé aux maires par le président de la République et précisant que le Conseil devrait publier la liste « intégrale » des signataires, ce qui aurait été démenti par le Conseil, selon M. Le Pen. « La loi n'a pour but que d'empêcher les candidatures fantaisistes, il faut la remettre dans son sens », a commenté le candidat du FN, qui parle du « silence complice » du Conseil, dont le rôle est pourtant de « permettre aux Français de choisir librement ». M. Le Pen dit avoir déjà écrit en ce sens au Conseil constitutionnel, affirmant que cela a été sans résultat. De son côté, le Conseil constitutionnel a précisé hier soir qu'il publierait au Journal officiel comme sur son site Internet, 500 signatures par candidat choisies au hasard parmi celles qui auront été déposées et validées.

Ce nouvel épisode illustre la difficulté que rencontrent certains candidats à obtenir leurs parrainages. Combien y aura-t-il de candidats à l'élection présidentielle ? Seize jours avant l'ouverture de la campagne officielle et treize jours avant la clôture du dépôt des parrainages, nul ne peut le dire exactement. Jamais, depuis 1965, une telle incertitude n'avait précédé la désignation du premier magistrat de la République.

Le président du FN, fort de 14,3 % des suffrages en 1988, de plus de 15 % en 1995, n'est donc pas certain de pouvoir participer à la compétition. Il est le premier à exprimer ses doutes à ce sujet. Jean-Pierre Chevènement pourrait peut-être se trouver dans le même cas, mais à vrai dire, il paraît assez tranquille. Il reconnaissait cependant lundi ne pas avoir encore les 500 parrainages indispensables. Qu'en est-il de Bruno Mégret qui avance pour la première fois un chiffre, celui de 467 signatures, dans le dernier numéro du Chêne, l'organe mensuel du MNR ?

Donc, le choix qui sera proposé aux Français reste aléatoire, suspendu au bon vouloir des maires. Les candidats concernés réagissent diversement à la situation. Alain Madelin, pour qui Jean-Claude Gaudin a lancé un appel en faveur des signatures, serait maintenant rassuré. Ses proches affirment que les bonnes surprises ont compensé les mauvaises.

Jean-Marie Le Pen lance les signaux les plus divers. Il a rendu public hier un « appel républicain aux élus ». Il y fait valoir que le parrainage d'un candidat à l'élection présidentielle « ne signifie pas que l'on adhère au projet politique de ce candidat ». Ce serait, ajoute-t-il « une atteinte intolérable à la démocratie » d'écarter de la compétition « tout président d'une formation politique démocratiquement représentée au plan national ou régional ».

Le président du FN a, d'autre part, annoncé une vengeance terrible des électeurs du FN s'il est éliminé de la compétition. Jacques Chirac en serait, selon lui la première cible. Quant à Bruno Mégret, lui et ses partisans continuent leur quête de signatures, « à la petite cuiller ». Discrètement.


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